CHAPITRE 1. Maria-Isabel, Salma et Sarah
Maria-Isabel (surnommée Maribel) et ses filles Salma et Sarah vivent à Perpignan. En 2018, deux ans après la naissance de Salma, Maribel et son ex-mari quittent Barcelone pour s’installer en France et échapper à la crise économique. Médecin interne, elle obtient un poste à l’hôpital de Romans-sur-Isère, où naît Sarah. Son mari, quant à lui, rencontre des difficultés à trouver un emploi et leur relation se dégrade. Ils décident de déménager à Perpignan mais la situation persiste et ils finissent par se séparer en 2021. 
Depuis, Maribel a la garde majoritaire de ses filles. Elles rendent visite à leur père un week-end sur deux. La logistique est dense. Maribel partage son quotidien entre son travail et le peu de temps libre qu’il lui reste, consacré à ses filles. Elle reprend confiance en elle à mesure qu’elles grandissent et s’affirment.
À travers leur histoire, je me suis questionnée sur cette période de la vie où le rôle de parent paraît supplanter l’individualité. Une tension interne vécue, entre amour dévoué et solitude. L’inquiétude de ne pas bien faire et la sensation parfois écrasante de s’oublier. Une dévotion exacerbée par la nécessité de compenser l'absence de l'autre parent. 
CHAPITRE 2. Judicaël, Lynn, Lukas, Noé et Elise
Judicaël vit à Crest (Drôme) avec ses quatre enfants. À 19 ans, elle tombe enceinte de Lynn, qui a le même âge aujourd’hui. Trois autres enfants suivent : Lukas, Noé et Elise. Tous ses accouchements ont lieu à la maison. Patrick, son ex-mari, subvient aux besoins de la famille pendant qu’elle gère le foyer. Il y a quelques années, prise par la nécessité grandissante de s’émanciper de sa condition de mère et de se découvrir en tant que femme, elle décide de se séparer de Patrick. Leur mode de vie en est bouleversé. 
Judicaël et ses enfants quittent la maison familiale. Après plusieurs mois de galères et de déménagements, ils vivent aujourd’hui dans un logement social à Crest. Financièrement, elle s’en sort en faisant des ménages et grâce à un Revenu de solidarité active majoré. Pendant plusieurs mois, les enfants vivaient en garde alternée. Leur père étant tombé gravement malade, Judicaël a désormais leur garde majoritaire. 
La séparation fut salvatrice. Judicaël est mue par une volonté de déconstruire sa maternité, de s’émanciper de son héritage familial pour inventer son propre modèle. En se retrouvant seule, elle a perdu la stabilité financière, mais aussi la dépendance au profit d’une forme de liberté. Cette liberté retrouvée, elle veut la transmettre à ses enfants. Ils sont des compagnons de route, des alliés dans cette exploration quotidienne.
CHAPITRE 3. Yves et Ismaïl
Suite au décès de la mère d’Ismaïl alors qu’il était âgé de cinq ans, lui et son père ont construit un quotidien paisible dans leur maison située à Saint-Pierre, un quartier de la rive droite de Brest. Cet équilibre ne va pas de soi, ils l’ont trouvé au fil des années et des épreuves traversées ensemble. À seize ans, Ismaïl est un adolescent qui prend son indépendance et s’émancipe de son lien fusionnel avec son père. Au même moment, à soixante-quinze ans, Yves retrouve son individualité et prend un nouveau souffle.
Dix-huit pour cent des familles monoparentales concernent des pères seuls. Dans cette série, j’ai cherché à mettre en lumière la relation entre un père et son fils que soixante ans séparent. Comment Yves tente de l’élever au mieux et d’assumer le rôle des deux parents à la fois ? Comment vivre avec l’absence d’une mère et d’une épouse ? Qu’advient-il lorsque le départ de l’enfant du foyer approche ? Ismaïl partira bientôt. Yves s’y prépare.
Série publiée dans Médiapart dans le cadre du Prix ISEM Jeune Photographe d’Image Singulières
EPILOGUE. Lucie et Lucas
Lucie vit à Drancy (Seine-Saint-Denis). Souffrant d’endométriose, son parcours vers la maternité fut laborieux. Une grossesse naturelle s’avère rapidement impossible. Elle entreprend d’abord des démarches d’adoption seule mais se décourage vite face à la lenteur des procédures, vivant un premier « deuil » de la possibilité de devenir mère. Elle envisage alors d’avoir recours à une fécondation in vitro (FIV) en couple, se disant « prête à accepter l’inacceptable (avec ses partenaires) par désir d’avoir un enfant. » En 2023, Lucy décide finalement de se lancer seule dans une procréation médicalement assistée (PMA).
Depuis la promulgation de la loi sur la PMA pour toutes en juillet 2021, le nombre de personnes souhaitant y recourir en France est en constante augmentation. Les demandes de première consultation ont été multipliées par huit. Malgré cette progression, des difficultés subsistent pour y accéder, notamment pour les femmes célibataires qui sont majoritaires à en faire la demande mais pas prioritaires. Les délais d’attente de plusieurs mois en France incitent donc Lucie à se tourner vers une clinique espagnole. Là, une FIV avec don de sperme lui permet de tomber enceinte dès le premier essai. Lucas nait le 31 mai 2024.
Avec Lucie, je souhaite proposer un récit sensible du recours à la PMA par les femmes célibataires et aborder la complexité à mener ce parcours seule, d’assumer cette décision pour soi. Une manière de séparer la maternité de l’amour romantique et de faire famille hors des schémas familiaux traditionnels.
Vues d'exposition à la Galerie VU' en septembre 2024
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